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dimanche 30 décembre 2012

139-LE MOUVEMENT EN SCULPTURE-4 (Seconde moitié du XX° siècle-2)




A partir des années 1960 (dès les années 50 à New-York et dès 1955 au Japon, avec le groupe Gutaï), le corps devient un médium (performance, happening, évènement, action) répandu en sculpture (Joseph Beuys - Fluxus, Richard Long - Land Art, Actionnisme viennois, Rebecca Horn - Body Art, Giuseppe Penone - Arte Povera, Yves Klein - Nouveau Réalisme...). Le corps de l'artiste devient sculpture vivante mais dans les happenings, le spectateur peut être amené à participer également. Ces actions éphémères ou répétitives sont conservées par des traces photos ou vidéos parfois accompagnées de croquis, de relevés et de notes. 

La sculpture intègre les notions de corps humain en mouvement et de parcours. Avec le Land Art, l'artiste s'intéresse à l'espace du lieu (oeuvre in situ) souvent naturel (loin des parcours balisés des musées et de la notion d'oeuvre-objet) et le découvre intimement par la marche avant d'intervenir dans le paysage tout à la fois support et/ou matériau. Certaines oeuvres créent parallèlement un parcours (Bruce Nauman) parfois à une échelle monumentale (Christo et Jeanne-Claude, Robert Smithson, Richard Serra) à destination du spectateur, multipliant pour lui les points de vue et les expériences sensorielles. Ce dernier fait alors partie intégrante de l'oeuvre et finalise une oeuvre qui n'existe pas sans lui.


YVES KLEIN


KLEIN Yves (1928-1962), Anthropométries, performance en public du 9 mars 1960, Paris, Galerie Maurice d'Arquian.
Sous la direction de l'artiste, deux femmes utilisées comme des pinceaux-vivants, s'enduisent le corps de peinture bleue puis s'appliquent sur des supports au sol et au mur, imprimant leur empreinte (sans les bras). Pendant ce temps, neuf musiciens jouent la "Symphonie monotone", formée d'un son continu suivi d'un énorme silence.

KLEIN Yves (1928-1926), Anthropométrie de l'époque bleue, 1960,
 pigment pur et résine synthétique sur papier monté sur toile, 155x281 cm, Paris, MNAM.


RICHARD LONG

LONG Richard (né en 1945), A line made by walking, England, 1967.
(Lors d'une marche de plusieurs heures dans le paysage, l'artiste imprime la trace de son corps en foulant l'herbe selon une ligne droite puis garde souvenir de sa performance par la photo).


GIUSEPPE PENONE


PENONE Giuseppe (né en 1947), Il poursuivra sa croissance sauf en ce point, Alpes Maritimes, 1968 et photo de 1978.
(Après avoir exercé une pression sur l'arbre avec sa main, l'artiste lui substitue un moulage traditionnel en bronze qui continue à exercer la pression au point choisi et modifie avec le temps le mouvement invisible lié à la croissance de l'arbre).


REBECCA HORN

HORN Rebecca (née en 1944), Unicorne, 1970-72 et Gants de doigts, 1972 (performances conservées par la trace photo et vidéo).
(L'artiste travaille avec son propre corps - malade - avec des prothèses qu'elle fabrique en bois, cuir, tissu et métal. Ces prothèses sont tout à la fois des extensions et des entraves qui permettent, par le déplacement et le geste, de nouvelles explorations sensorielles du corps et de l'espace. Dans Unicorne, une jeune fille "prête à marier" se promène nue dans la nature, portant uniquement une corne blanche sur le front et les bandages qui la maintiennent. Dans Gants de doigts, elle frotte les doigts interminables le long des murs de la galerie ou ramasse un objet). 


GILBERT AND GEORGE

GILBERT (né en 1943) et GEORGE (né en 1942), Singing Sculpture, Bruxelles, 1969 (performance conservée par la trace photo et vidéo).
(Les deux artistes, en costume, sont montés sur une table, le visage recouvert de peinture métallique dorée. Ils imitent, parfois pendant plusieurs heures, les mouvements syncopés des automates en mimant une chanson des années 1930, Underneath the Arches, diffusée par un magnétophone et son haut-parleur, placés sous la table).

Voir une vidéo (4 MN) :


JOSEPH BEUYS

BEUYS Joseph (1921-1986), I like America and America likes me, New-York, mai 1974.
(L'artiste, recouvert de feutre, avec chapeau, canne, triangle et lampe torche, coexiste pendant trois jours avec un coyote symbolique de l'Amérique et de ses Indiens).

VOIR UNE VIDÉO (3 MN)



POUR EN SAVOIR PLUS SUR L'ART DE LA PERFORMANCE :
TÉLÉCHARGER LE DOSSIER DU CENTRE G.POMPIDOU : QU'EST-CE QUE LA PERFORMANCE ?



BRUCE NAUMAN

NAUMAN Bruce (né en 1941), Going around the corner piece, 1970, installation vidéo en circuit fermé avec 4 caméras et 4 moniteurs en noir et blanc et muets, 1 cube blanc de 284x654x654 cm.
(Le spectateur circule autour du cube blanc aux angles duquel sont placés les caméras qui le filment et les moniteurs qui lui restituent son image en léger différé. déstabilisant ses points de repères. Le spectateur poursuit son image (et l'image de l'espace qu'il parcourt), sans pouvoir l'atteindre.


ROBERT SMITHSON

SMITHSON Robert (1938-1973), Spiral JettyGreat Salt Lake, 1970.Utah.
 (Réalisation d'une jetée en forme de spirale de 500 m de long et de 5 m de large,
 nécessitant le déplacement de 6 800 tonnes de terre et de roche.




WALTER DE MARIA

DE MARIA Walter (né en 1935), The Lightning field, 1969-1977, plateau désert du Nouveau-Mexique.
Cette installation pérenne qui se visite (séjours de 24h pour faire l'expérience du site) est constituée de 400 mâts d'acier alignés sur un même plan (leur hauteur varie, en fonction des ondulations du terrain, de 4 à 8 m), dans un rectangle de 1 km sur 1 mile et crée un vaste piège à foudre (dans une région sujette aux orages, avec des éclairs qui restent rares malgré tout). L'oeuvre intègre des éléments industriels alignés avec le caractère aléatoire des effets (lumière, temps atmosphérique, déroulement temporel) et des forces (son du tonnerre, lumière des éclairs) naturels. Des photographies mais aussi des vidéos conservent la trace du spectacle.



CHRISTO ET JEANNE-CLAUDE

CHRISTO (né en 1935) et JEANNE-CLAUDE (1935-2009), Running Fence, Sonoma and Marin Counties, California, 1972-76, photographie de 1976.
(Running Fence est installée le 10 septembre 1976 et démontée 14 jours plus tard, sans laisser aucune trace visible. Elle consiste en une clôture de près de 40 km de long, s'étendant d'est en ouest à travers les collines  dans le nord de la Californie, entre autoroute et mer. La clôture, formant un immense ruban mesurant 5 m de haut, est composée de 2 050 panneaux de nylon blanc, accrochés sur des câbles d'acier au moyen de 350 000 crochets. Ces câbles sont eux-mêmes supportés par 2 050 poteaux d'acier enfoncés dans le sol et stabilisés par des haubans ancrés dans la terreLa clôture débute près de la U.S. Route 101 et traverse 14 routes et les propriétés de 59 ranchs afin d'atteindre l'océan Pacifique  près de la baie de Bodega. Elle serait inspirée en partie par les clôtures démarquant le Continental Divide au Colorado).

Voir une vidéo (4 mn 30) :


RICHARD SERRA


SERRA Richard (né en 1939), Clara-Clara, 1983, Paris, Jardin des Tuileries. 
Deux plaques rouillées et monumentales d'acier corten, chacune en forme d'arc-de-cercle en écho aux murs du jardin, de 36 m de long et 3,40 m de haut. Photo noir et blanc de 1983 ; photo couleur aérienne, prise lors de la réinstallation temporaire de 2008 par Yann Arthus-Bertrand. 
(Légèrement inclinées, jouant de leur stabilité réelle et de leur instabilité visuelle, de leur poids écrasant, les murailles dominent le passant, l'intimident. Puissantes, protectrices et menaçantes, elles interrogent les notions d'équilibre, de gravité, d'espace et de perspective. Alors que dans la sculpture classique le spectateur tourne autour de l'oeuvre et peut l'appréhender entièrement, ici il se promène au milieu de l'oeuvre, à l'intérieur et à l'extérieur, et n'en a pas une vue d'ensemble sinon en trouvant un poste d'observation en hauteur. "Le spectateur devient conscient de lui-même. En bougeant la sculpture change. La contraction et l'expansion de la  sculpture résulte du mouvement. Pas à pas, la perception non seulement de la  sculpture mais de l'environnement tout entier change"disait Richard Serra à propos d'une autre de ses oeuvres).


PETER FISCHLI & DAVID WEISS

FISCHLI Peter (né en 1952) & WEISS David (1946-2012), Der Lauf der Dinge (The Way Things Go, Le Cours des Choses), 1987, film 16 mm de 30 minutes (voir un extrait ci-dessus de 3 minutes),
artistes suisses ayant collaboré depuis 1979
(Installations cinétiques montrant un univers d'objets avec des réactions en chaîne provoquées par des interactions physiques et chimiques).
Dans un entrepôt, une construction fragile a été mise en place avec divers objets sur 40 mètres de long. La mise en mouvement des éléments entraîne une réaction en chaîne. Le feu, l'eau, la gravité et la chimie déterminent le cours des objets et celui des évènements. Le résultat est un récit sur la cause et l'effet, les mécanismes et l'art, la précision et l'improbabilité.





dimanche 11 novembre 2012

138-GIUSEPPE PENONE (NÉ EN 1947)




PENONE Giuseppe (né en 1947), L’Arbre aux voyelles, 1999 (installé en décembre 1999, inauguré en 2000),
 bronze patiné (L :14 m) et arbres, Jardin des Tuileries (commande publique de 15 sculptures d’artistes différents), Paris.
(le moulage d'un chêne déraciné donne matière sculpturale au temps, conserve la mémoire du dernier état de l'arbre et crée un fossile pérenne et réaliste par ses formes, matériaux et couleurs, d'autant qu'il est placé au sein d'une végétation vivante. L'artiste intègre de plus dans son installation in situ, la plantation de cinq arbustes d'essences différentes en contact avec l'arbre moulé et en réponse aux cinq voyelles des racines de ce dernier. Ces arbres vivants vont croître avec le temps et varier avec les saisons, transformant lentement l'oeuvre puis enserrant et masquant progressivement l'arbre en bronze).


PENONE Giuseppe, artiste italien, né en 1947. Il vit à Turin mais enseigne depuis 1997 à L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Deux grandes rétrospectives de son œuvre lui ont été consacrées, en 2004 en France (Centre Pompidou, Paris) et en 2009, au Japon (Musée de Toyota). En 2007, il a représenté l’Italie à la Biennale de Venise.

Artiste majeur de la scène internationale, associé au mouvement de l’Arte Povera (Art pauvre : détachement des acquis de la culture, détachement de l’œuvre en tant qu’objet fini pour des matériaux insignifiants mais signifiants). Ce mouvement, fondé en Italie en 1967 par le critique d’art Germano Celant, prône le retour de l’art à l’essentiel (primitivisme des gestes créateurs) et mène notamment une relation entre nature (recours à des matériaux naturels) et culture (recours à des objets et à des matériaux pauvres). Il réunit des artistes comme Michelangelo PISTOLETTO, Giovanni ANSELMO, ALIGHIERO e BOETTI, Luciano FABRO,  Jannis KOUNELLIS, Mario et Marisa MERZ, Pier Paolo CALZOLARI, Gilberto ZORIO, Giulio PAOLINI et Giuseppe PENONE.


    
-PISTOLETTO Michelangelo (né en 1933), Vénus aux chiffons, 1967, représentation en plâtre d'une sculpture à l'antique, mica, tissus récupérés.
-ANSELMO Giovanni (né en 1934), Sans titre (Structure qui se mange), 1968, deux blocs de granit, fils de cuivre et laitue fraîche, 70x13x137 cm.



                  

-MERZ Mario (1925-2003), Igloo de Giap, 1968, armature de fer, sacs plastique remplis de terre, néons, H: 120 cm, D: 200 cm.
-KOUNELLIS Jannis (né en 1936), Douze chevaux attachés, Rome, Galerie L'Attico, 1969.



Penone est un fils et petit-fils d’agriculteurs, attaché à la nature, au temps, à la beauté (formes, matériaux) en mouvement (« tout s’écoule »). Il recherche un contact intime et sensoriel avec la nature par le corps (il enlace l’arbre, se couche dans un lit de ruisseau ou de feuilles). Il assimile, dans ses nombreux écrits, l’homme à la terre et à l’arbre. Deux constantes de sa démarche se détachent : la relation du corps à l’œuvre (expérience de tous les sens), la remise en cause du processus créateur (aussi important que l’œuvre).


PENONE Giuseppe (né en 1947), Alpes Maritimes – Il poursuivra sa croissance sauf en ce point, 1968,
 photographie en noir et blanc gardant trace de la performance.
« Je sens la respiration de la forêt, j’entends la croissance lente et inexorable du bois, je modèle ma respiration sur la respiration du végétal, je perçois l’écoulement de l’arbre autour de ma main posée sur son tronc... La main s’enfonce dans le tronc de l’arbre qui, par la vitesse de sa croissance et la plasticité de la matière, devient l’élément fluide idéal pour être modelé », G.Penone, 1968.


PENONE Giuseppe (né en 1947), Alpes Maritimes – Il poursuivra sa croissance sauf en ce point, 1978,
 photographie couleur de l’artiste, gardant trace de l'installation et de la croissance de l'arbre.

PENONE Giuseppe (né en 1947), Dérouler sa propre peau, 1970-71, tirages argentiques.



La fin des années 1960 dont datent les premières œuvres de Penone, est une époque de changements dans la société et dans l’art (contestation de la société de consommation et de l’industrie culturelle). En sculpture, les artistes s’affranchissent de l’objet d’art lui-même pour privilégier des attitudes (mise en scène du corps : performances, Body Art) et des réalisations éphémères (interventions, parfois monumentales, notamment dans la nature avec des matériaux naturels, Land Art).

PENONE Giuseppe (né en 1947), Souffle 6, 1978,
 terre cuite, 158x75x79 cm, Paris, MNAM.

PENONE Giuseppe (né en 1947), Le vert du bois, 1987,
  frottage au fusain, peinture sur toile, branche d’arbre.

PENONE Giuseppe (né en 1947), Arbres, 2003.


Chez Penone, les œuvres vont garder l’échelle humaine et 

-affirmer une volonté primitiviste : rapport à la nature (jusqu’à l’odeur,  « Respirer l’ombre », 1999, « Matrice de Sève », 2009), geste millénaire, repère anti-historique, aspect symbolique (allégorie de la vie humaine), matériaux traditionnels (argile, pierre, fusain, toile mais aussi verre, bronze doré ou or),

-mettre en interaction son corps et les matériaux naturels : geste créateur modelant la matière végétale et l’argile ou taillant la pierre ; empreintes du corps entier ou partiel (« Souffles », 1978 ; « Ongles », 1987-94) et de la peau (doigts, « Paupières », 1989-91) ; effets du vivant (peau, fluides) sur la pierre ou le cuir « Sculpture de lymphe », 2007) ; substituts du corps en plâtre, fer ou bronze (« Il poursuivra sa croissance sauf en ce point », 1968), dessins de morceaux de corps avec des végétaux (Dépouille d’or sur épines d’acacia (bouche) ,2001-2002), évocation du corps humain par la verticalité de végétaux enchevêtrés en bronze (« Peaux de feuilles », 2000),

- intégrer la dimension du temps : croissance (« Il poursuivra sa croissance sauf en ce point », 1968 « Patates», 1977, « Courges », 1978-79),  érosion,  retour à la forme originelle en remontant le temps, de la poutre au tronc (« Arbres », dès 1969) ou comparaison entre le geste de l’artiste et celui du fleuve sur une pierre (« Etre fleuve », 1981), métamorphose, feuilles changeant de couleur (« Respirer l’ombre », 1999).

PENONE Giuseppe (né en 1947), Dépouille d’or sur épines d’acacia (bouche),2001-2002,
soie, épines, colle, or, trente toiles, ensemble de 3x12 m.

PENONE Giuseppe (né en 1947), Sculpture de lymphe, Pavillon italien de la Biennale de Venise, 2007,
 murs revêtus de cuir imitant l'écorce, marbre ridé et rugueux au sol, sève stagnant dans la fissure d'un totem de bois clair.

Il s’affranchit des formes artistiques traditionnelles (peinture, sculpture) et des formes nouvelles (performance, installation) en les mélangeant (hybridation, environnement). Il mêle également éléments naturels (végétaux formant des sculptures ou des architectures) et culturels (références littéraires et symboliques de la culture latine, notamment la mythologie avec Prométhée qui modèle l'homme avec de la boue pendant qu'Athéna lui donne un souffle de vie ; métamorphose de Daphné) et Pétrarque (poète du XIV° s. et son amour pour Laure). 



mercredi 7 novembre 2012

137-LE MOUVEMENT EN SCULPTURE-3 (Seconde moitié du XX° siècle-1)


Dix ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la sculpture cinétique s'impose sur le devant de la scène internationale avec l'exposition intitulée "Le Mouvement" qui réunit, à Paris, en avril 1955, à la Galerie Denise René, les artistes pionniers de ce domaine comme Marcel Duchamp et Alexander Calder mais également une toute nouvelle génération d'artistes comme Jean Tinguely, Agam, Pol Bury ou Soto (sculptures cinétiques et peintures Op(tical) Art).
Si le goût pour la mécanique (la machine, le moteur), la science et la technologie (magnétisme, cybernétisme, matériaux industriels, inventions) est encore bien présent, le culte de la société de consommation et l'idée de la machine comme vecteur de modernisme sont mis à mal. En effet, les artistes inventent aussi des machines dérisoires faites de matériaux de récupération, parfois dépourvues de moteur (manivelle actionnée par le spectateur, oscillations selon les déplacements de l'air ambiant, la force du vent ou de l'eau), créatrices, poétiques, inutiles et parfois mêmes destructrices ou autodestructrices. 
Les oeuvres sont souvent transportables ou déplaçables et interactives, liées au mouvement du corps humain et actionnées par le créateur ou un danseur dans une performance ou même par le spectateur (interactivité). Elles multiplient les expériences sensorielles (effets visuels, sonores, voire odorants) et participent d'un art total alliant peinture, sculpture, performance, architecture, scénographie, musique, danse, jeux d'eau et de lumière (projections, reflets, fontaines).


NICOLAS SCHOEFFER 


SCHOEFFER Nicolas (1912-1992), CYSP-1sculpture cybernétique et spatiodynamique interactive autonome
 présentée sur le toit de la Cité Radieuse à Marseille lors d'un Ballet de Maurice Béjart, 1956,
acier noir, alu polychrome peint, 200x300x170 cm (hors socle),
 équipée d’un cerveau électronique, de cellules photoélectriques et de microphones, cette sculpture réagit aux modifications
 de son environnement lumineux et sonore par des déplacements et par la mise en mouvement des plaques colorées qui la constituent.


VOIR LA VIDEO (1 MN 30) DE L'OEUVRE DE SCHOEFFER CYSPE, 1959
SCHOEFFER Nicolas (1912-1992), CYSPE, 1959.


VOIR LA VIDÉO (4 MN 30) DE L'OEUVRE DE SCHOEFFER TOUR DE LIÈGE, 1961
SCHOEFFER Nicolas (1912-1992), Tour cybernétique de Liège, 1961,
sculpture abstraite de 52m de haut, constituée d'une ossature en tubes d'acier carrés munies de 64 plaques, 
miroirs et pâles mis en mouvement par des moteurs actionnés par un cerveau électronique, avec systèmes
d'éclairage (120 spots) et de sonorisation (microphones, cellules photoélectriques, prises thermiques, hygrométres et anémomètres).



SCHOEFFER Nicolas (1912-1992), Tour Cybernétique Lumière de Paris-La Défense, projet non réalisé de Centre d'art,
 photomontage de 1973 d'après la maquette de 12m de haut de 1970-71
 (sur un socle de 29m de haut aux parois réfléchissantes, la tour à l'ossature d'acier aérée, de 307 m de haut et de 59 m d'envergure, aurait offert 200 bras, 114 axes tournants et 363 miroirs et aurait été coiffée à son sommet de puissants projecteurs mobiles de lumière colorée et d'un faisceau laser. La tour aurait dû offrir 17 niveaux et 7 plateformes ouvertes au public, reliés par des ascenseurs apparents, et apparaître comme une sculpture miroitante et tournante au ballet lumineux).


VOIR LA VIDÉO (4 MN) - SCHOEFFER : 50 ANS D'ART CYBERNÉTIQUE



JEAN TINGUELY ET NIKI DE SAINT-PHALLE

TINGUELY Jean (1925-1991), Machine à dessiner n°3, relief Méta-mécanique, 1955,
tableau de bois peint en noir, disque métallique tournant, fil métallique et au verso, trois roues en bois, courroies en caoutchouc, deux moteurs électriques, 54, 5x106x33 cm, Bâle, Musée Tinguely.
(machine à dessiner des oeuvres abstraites, mécanique, grâce à un bras actionné par le spectateur).


TINGUELY Jean (1925-1991), Méta-Matic n°6, Méta-Matic, 1959,
trépied en fer, roues en bois, feuille métallique façonnée,
 courroies en caoutchouc, tiges métalliques, le tout peint en noir, moteur électrique,
 50x70x30 cm, Bâle, Musée Tinguely
(machine, automatique, à dessiner des dessins tachistes).


VOIR LA VIDÉO (1 MN) DU HAPPENING DE TINGUELY HOMAGE TO NEW-YORK 1960
TINGUELY Jean (1925-1991), Homage to New-York, 1960, New-York, jardins du MOMA,
happening réalisé en public avec une sculpture-machine de 16 m de haut qui s'est auto-détruite en 27 minutes
(piano, radio,ballon météorologique  deux machines à dessiner, klaxon électrique, plusieurs dizaines de roues de vélo
 et de voitures d'enfant, plusieurs moteurs électriques, d'innombrables pièces de ferraille, engins fumigènes, objets de toutes sortes).


VOIR UNE VIDÉO (3 MN) PRÉSENTANT LE CYCLOP DE TINGUELY 1969-1994
TINGUELY Jean (1925-1991) et NIKI DE SAINT-PHALLE (1930-2002), Le Cyclop ou La Tête ou Le Monstre dans la forêt, 1969-1994,
Milly-la-Forêt, près de Paris, oeuvre collective réalisée avec la participation et les oeuvres d'une quinzaine d'artistes
 dont Soto, César, Arman, Spoerri, Raynaud..., H : 22,5m, 350 tonnes d'acier
(une tête tournante privée de corps et recouverte de miroirs, un seul oeil à projecteurs lumineux, une bouche d'où ruisselle de l'eau
 sur une langue toboggan, une énorme oreille mobile qui pèse une tonne ; à l'intérieur un parcours labyrinthique
 au travers d'oeuvres d'artistes, de sculptures sonores, d'un théâtre automatique, le tout dominé par le bruit
 assourdissant de la machinerie placée à l'emplacement du cerveau).


VOIR LE FILM (52 MN, 1996) D'ARNÉ STECKMEST, "LE CYCLOP DE JEAN TINGUELY".



TINGUELY Jean (1925-1991) et NIKI DE SAINT-PHALLE (1930-2002), Fontaine Stravinsky, Paris, 1983, bassin de 580 m2 comprenant 16 sculptures peintes et animées mécaniquement, avec jets d'eau, évoquant les oeuvres du compositeur russe.



MARTA PAN

PAN Marta (1923-2008), Équilibre, 1958-59, bois, 45,2x22,6x17,2 cm. Cette sculpture a suggéré (décor, accessoire) et organisé (acteur) un ballet de Maurice Béjart fondé sur l'unité en mouvement de l'oeuvre et de la danseuse qui s'y insère et tourne autour.


PAN Marta (1923-2008), Sculpture flottante (n° 1), 1960-61, polyester, Sculpturepark, KMM (Pay-Bas).



GROUPE DE RECHERCHE D'ART VISUEL
 (G.R.A.V.) - 1960-1968
 avec Horacio GARCIA-ROSSI (1929-2012), Julio LE PARC (né en 1928), 
François MORELLET (né en 1926), Francisco SOBRINO (né en 1932), 
Joël STEIN (1926-2012) et YVARAL (1934-2002).
Oeuvre collective du G.R.A.V., Labyrinthe, Paris, 1963
  VOIR LA VIDÉO DE 10 MN DE LA RECONSTITUTION DE LABYRINTHE
AU MUSÉE DE CHOLET EN 2000
Dans un parcours d'oeuvres fait d'installations et d'environnements (structures, cellules), se mêlent jeux de mouvements, formes et volumes géométriques (rectangles, disques, sphères, trièdres), reflets et transparences (matériaux), lumières (lampes, rayons lumineux, projections, néons) et jeux d'optique (kaléidoscope). Le spectateur est appelé à parcourir le Labyrinthe, à pénétrer dans les cellules et surtout à manipuler les oeuvres en faisant osciller, tourner, rouler leurs éléments.
Pour le Groupe de Recherche d'Art Visuel, «il ne s’agit pas de créer un super spectacle mais, par la provocation ou l’agression, par la modification des conditions d’environnement, par un appel direct à la participation active, par le jeu, par une mise en situation inattendue, d’influer directement sur le comportement du public et de substituer à l’œuvre d’art et au spectacle une situation en évolution faisant appel à la participation active des spectateurs.»



YAACOV AGAM

AGAM Yaacov (né en 1928), Assemblage mouvant, 1953, bois peint, 25x49x3,5 cm, six éléments mobiles de couleur pivotant sur fond peint, Paris, MNAM.



AGAM Yaacov (né en 1928), Aménagement pour l'antichambre privé de l'Elysée de Georges Pompidou, 1972-74, une sculpture en acier poli, matériaux divers, dispositifs lumineux, 450x548x622 cm, tapis en laine du sol de 34m2, Paris, MNAM.
Environnement plongeant le spectateur en déplacement dans la "quatrième dimension" du fait de variations colorées et lumineuses sur les murs, sol et plafond.


AGAM Yaacov (né en 1928), Bassin de la Défense, projet de 1975-77 réalisé en 1988, bassin de 26x86 m et déversoir tapissés d'une mosaïque d'émaux de 86 couleurs, 66 projecteurs et jets d'eau sur 15m de haut.



POL BURY

BURY Pol (1922-2005), Plans mobiles, 1953-55, contre-plaqué peint, métal, plaques montées les unes sur les autres sur un axe mobile et manipulables par le spectateur, 135x60x10 cm, Paris, MNAM.


BURY Pol (1922-2005), 4087 cylindres érectiles, 1972, cylindres articulés en hêtre clair sur panneaux de bois en chêne peints en noir, moteurs électriques, mouvement lent et irrégulier quoique programmé, 250x710x45 cm, Paris, MNAM.


VOIR LA VIDÉO DE 40 S. SUR LA FONTAINE DE POL BURY, 1978.
BURY Pol (1922-2005), Fontaine, 1978, acier inoxydable, énergie hydraulique, Saint-Paul-de-Vence, jardins de la Fondation Maeght.



VASSILAKIS TAKIS


TAKIS Vassilakis (né en 1925), Électromagnétique n° 6, 1967, 60x55 cm, acier et aimant.



LEN LYE


LYE Len (1901-1980), Universe, 1973-76.
Bande d'acier sur base en bois stratifié, électro-aimant, balle en liège suspendue à un élastique. 220 x 250 x 280. Fondation Len Lye, New plymouth, Nouvelle Zélande.
Universe est composée d'une longue bande de métal courbée en un cercle de 2,50 mètres de diamètre. Un aimant logé dans le socle attire le haut de la bande vers le bas jusqu'à ce que la résistance du matériau provoque un mouvement inverse. La bande supérieure vient alors frapper une boule de liège, suspendue au bout d'un élastique au sommet du dispositif.
« C'est à une véritable respiration magnétique qu'assiste le spectateur, une respiration dont le rythme est soumis au hasard des lois physiques. »



JESUS-RAFAEL SOTO


SOTO Jésus-Rafaël (1923-2005), Sans titre (série des Vibrations dès 1958), tempera sur bois avec fils peints, 24x19x14,1 cm, New-York, MOMA.
Un jeu optique forme-fond s'effectue avec le déplacement du spectateur devant l'oeuvre.



SOTO Jésus-Rafaël (1923-2005), Pénétrable  de Pampatar, 1971. Les Pénétrables, crées par l'artiste dès 1967, proposent une structure géométrique de fils suspendus, soit en fils de nylon colorés, soit en métal (sculpture sonore) en interaction avec le spectateur. Ce dernier ne tourne plus autour de l'oeuvre mais entre dans l'oeuvre, la traverse, la ressent et l'anime.


SOTO Jésus-Rafaël (1923-2005), Vibrations, 1974, sculpture optique de 18m de long, hall d'accueil du siège Renault.


SOTO Jésus-Rafaël (1923-2005), Pénétrable BBL bleu, 1999/2007 (réplique de 2007), fils de nylon et métal laqué, 3,65x14 m sur 4m de hauteur, Galerie Denise René.
"Pour moi, l'oeuvre n'existe pas indépendamment du spectateur et de son mouvement. Avec les Pénétrables (...) cette participation devient tactile, voire même souvent auditive. L'homme joue avec son monde environnant. La matière, le temps, l'espace constituent une trinité indissociable et le mouvement est la force qui démontre cette trinité", Soto (1973).


VOIR EN COMPLÉMENT
LE DOSSIER DU CENTRE POMPIDOU SUR L'ART CINETIQUE


VOIR LA SUITE DE CET ARTICLE


lundi 5 novembre 2012

136-TADASHI KAWAMATA




Artiste japonais, né en 1953, sur l’île d’Hokkaido. Il vit actuellement à Paris et enseigne à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts.

VOIR LE SITE DE L’ARTISTE :


Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Tokyo, il est choisi, à l’âge de 29 ans, pour exposer dans le Pavillon japonais de la Biennale de Venise (1982). Il travaille ensuite, au Japon, sur des interventions dans des lieux d'habitation. En 1984, il obtient une bourse d'étude pour une année à New-York. A partir de 1985, il enchaîne les grandes expositions (notamment la Documenta de Kassel de 1987) et les projets internationaux et intervient beaucoup en Europe (dès 1993). Après avoir  travaillé et enseigné au Japon, il s'installe, travaille (dès 2004) puis enseigne (dès 2005) en France (Paris). En 2010, il réalise une intervention au Centre Georges Pompidou. Ses créations les plus célèbres sont rassemblées au musée d’art contemporain de Tokyo où une grande rétrospective lui est consacrée en 2007-2008.


Photo de l'artiste Tadashi Kawamata (2013) .


A ses débuts, il travaille essentiellement la peinture puis les constituants du tableau en 3D, et ne conserve bientôt que l’armature en  bois (châssis). Le bois devient alors l’une des caractéristiques de son travail. A la fin des années 1970, Tadashi Kawamata commence à créer des installations in situ.


KAWAMATA Tadashi (né en 1953), By Land, 1979, Tama Riverside, Tachikawa (Japon),
intervention in situ (dénoncée aux autorités et démontée 3 jours après), matériaux de récupération,
"Cette bande de terrain m'intéressait à cause de sa non-définition. No man's land perdu, elle se situait entre des espaces utiles : elle pouvait être immergée par l'eau ou être à sec. Elle était à l'écart de toute habitation, mais elle pouvait être vue des trains par les voyageurs. Pendant une seconde, elle était donc doublement marginale, par rapport à l'espace et au temps". J'ai réalisé ce projet sans permission. J'ai été attiré par le lieu. J'ai réalisé rétrospectivement que cette installation annonçait mon travail postérieur".


 By Land est à cette époque une tentative isolée. Il intervient surtout dans des espaces intérieurs privés, galeries (Measure Scenesou appartements japonais (Apartment Projects) dont il découpe l'espace en unités minimales ou en passages.

"Measure Scene : le titre fait référence à la mesure de l'espace. Je les ai faites dans des galeries. J'ai réalisé une structure en bois qui remplissait l'espace. Je souhaitais que les gens puissent sentir l'espace, comprendre comment il fonctionne, imaginer comment l'utiliser. Apartment Project : hors des circuits des musées et des galeries, je voulais mettre en oeuvre mes idées, faire ce que j'aimais. J'ai loué des appartements pour mener mes propres projets. C'était très petit mais c'est là que je voulais travailler".



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Takara House Room 205, Tokyo, 1982.
L'artiste  aménage et partage l'espace intérieur de cet appartement vide de 10 m2 (entre deux locations) avec des panneaux de bois en claire-voie et également des planches au plafond. Vingt personnes choisies sont invitées à s'y rendre en train en suivant un plan.


Rapidement cependant, il déborde sur les espaces extérieurs  et commence à envelopper des façades de bâtiments au moyen de planches de bois de récupération qui,par le graphisme des lattes assemblées évoquent un jeu de mikado géant et affichent un caractère de fragilité.

Pour la Biennale de Venise de 1982, il déborde du Pavillon japonais par les portes et les fenêtres et il investit les jardins avec une palissade de bois. Par la suite, il intervient dans des lieux divers  et ses constructions investissent, enrobent et se greffent à des architectures existantes (monuments privés, publics, historiques, religieux ou leur ruine, ponts) ou bien occupent des lieux urbains abandonnés (interstices, passages). Son oeuvre propose une réflexion sur l'environnement social et sur les relations humaines qui le définissent. 

Ses domaines d'intervention sont donc tout à la fois ceux de la sculpture, de l'architecture, de l'espace urbain et du paysage. Il joue de l'accumulation et de la fragmentation, de la partition et de l'extension des espaces.



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Pavillon japonais, "Biennale de Venise", 1982.
L'artiste encercle le pavillon d'une palissade de bois et relie la structure et la nature environnante grâce à des planches qui semblent s'échapper. La construction qui s'enroule en nid autour du bâtiment provoque une sensation cinétique.


KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Apartment Project, Tetra House N-3 W-26, 1983 (août-septembre), Sapporo (Japon).
L'architecture de cette maison (louée pendant un mois) se transforme en mikado géant : envahie par des échafaudages irrationnels, elle semble reposer sur des pilotis. Son intérieur est envahi par des planches dynamiques enchevêtrées qui créent de plus des plafonds factices.


Avec le matériau qu’est le bois (éléments mal dégrossis, bois de charpente, poutres, planches), les objets également en bois (cagettes usagées, chaises, barques…) et des matériaux pauvres (cartons, journaux) récupérés sur les chantiers de démolition (tôles…) ou le site même, il réalise des architectures le plus souvent éphémères  (échafaudages, passerelles, tours, cabanes…) et spectaculaires. Ses constructions souples et légères sont bâties sur des jeux d'asymétrie, de glissements d'axes et de mouvements. "Je ne tiens pas à tout changer sur un lieu. J'utilise la structure originelle tout en transformant la façon dont elle fonctionne. Mon travail est plus de l'ordre de l'arrangement".

Ses constructions et déconstructions convergent dans un même acte, celui de la mutation incessante et de la propagation des structures, comme des réseaux arborescents, des végétaux, des éléments organiques, des métastases migratoires, des parasites qui s'insèrent dans des interstices, des intervalles, des entre-deux, des no man's land, spatiaux, sociaux et temporels. Ses interventions créent des ponts entre le dehors et le dedans, la construction et la déconstruction mais également entre le passé et le présent.


Le travail de l'artiste, bien qu'il s'en défende, est marqué par l'architecture traditionnelle du Japon, notamment par le matériau qu'est le bois mais également par le concept du Ma, fondé sur l'intervalle entre deux choses, avec l'idée de pause, le Ma séparant, tout en reliant.




KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Destroyed Church, 1987 (mars-septembre), "Documenta 8", Kassel (Allemagne).
L'artiste investit une église laissée en ruines depuis la Seconde Guerre Mondiale et dépourvue de toit.
 Un réseau de planches s'enroule comme un nid dans et hors l'édifice et recrée une nouvelle toiture.


Ses voyages pour aller travailler dans les grandes villes internationales font partie de la démarche de l’artiste qui se compare volontiers à un oiseau migrateur. Chaque projet naît du lieu (travail in situ), de l’imprégnation spécifique de son atmosphère (visites, recherches, discussions). Il découvre le site et son environnement par la marche et étudie le rapport des habitants au site, leurs parcours et déplacements.
L’idée qui émerge est en lien présent-passé (vécu, patrimoine, histoire, religion, logement…) et en fonction de l’architecture du lieu (écho, contraste). Kawamata crée une nouvelle architecture qui repose sur les oppositions intérieur/extérieur, ordre/désordre, pérenne/fragile, culture/nature. Sculpteur, il choisit un élément qui devient le module d’une construction, parfois de grandes dimensions et souvent en hauteur (passages surélevés), dialoguant d’une manière étonnante avec le lieu investi, créant de nouveaux liens et points de vue (excroissances, passerelles, labyrinthes, cabanes, observatoires), perturbant l’ordre établi et questionnant notre environnement, la ville, le tissu urbain et social. 

L'artiste a été marqué par l’impermanence de la vie ("Tout est fugace. Nous sommes fragiles, de passage"), les catastrophes naturelles  et l'impermanence de la ville de Tokyo, en perpétuel chantier. Etudiant, il a pu observer notamment, depuis son appartement, à la démolition puis la reconstruction de l'immeuble d'en-face, dans l'indifférence totale du voisinage : "J'avais assisté de ma fenêtre à une opération de métabolisme urbain, une digestion/régurgitation de matériaux qui semblait lié au cycle vital de la ville".

Kawamata appelle notre réflexion sur l’urbanisme, la mémoire de la ville, ses évolutions et ses contrastes étonnants (construction/démolition, pleins/interstices, luxe/pauvreté), ses zones intermédiaires, ses constructions temporaires (chantiers, cloisons, échafaudages, palissades, passerelles et couloirs provisoires), ses abris éphémères (cabanes de chantier, abris d'autobus provisoires, boutiques des marchés ; abris des S.D.F., Field Works, dès 1989, Favelas, dès 1991), et sur le provisoire qui dure comme sur l’éphémère dans la fixité urbaine. 

Son travail relève de l'improvisation et d'une suite continuelle de variations sur le même thème : "Mon projet n'est jamais achevé, il se prolonge indéfiniment. C'est de l'action pure. Chaque projet est une expérience nouvelle".



Dès les années 1980, l'artiste entame ses séries de cabanes parasites (souvent détruites très rapidement), faites de matériaux de récupération et semblables à des abris de SDF ; ces cabanes sont, soit isolées (Field Works),  soit regroupées en villages (Favelas).


 
KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Field Work in Chicago, 1990.

KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Field Work in Graz (Autriche), 2005.


KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Favela in Houston, 1991.
"L'idée vient de São Paulo et de Rio de Janeiro. J'étais en résidence (à São Paulo), juste à côté des favelas ; la police est arrivée et a tout détruit. Une semaine après, ils avaient commencé à reconstruire. J'ai trouvé dans cette situation nomadique, ce cycle temporel, une grande influence sur l'idée de construire et de détruire tout en recyclant les matériaux".



 KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Favela group, 1992, 
installation, contreplaqué, balsa, tôle ondulée, carton,
Zürich, Serge Ziegler Galerie.
Exposées en galerie et non plus dans les interstices des villes, les cabanes apparaissent
 comme des objets sculpturaux placés à l'intérieur, sur les murs.




Ses cabanes en bois de charpente à l’extérieur et en carton à l’intérieur (poutres de bois, châssis de fenêtre et toit souvent en tôle ondulée), improvisées en fonction des matériaux disponibles, s’installent pour leur part, dès 1990, tout aussi bien dans les arbres (comme des nids, Tree Huts), pylones ou colonnes, ou des façades de monuments (Centre Pompidou, Carton Workshop, 2010) que sur des barques (constructions flottantes). "Pour moi, ces cabanes ne sont pas destinées à être habitées. Pour moi, ça n'a rien de fonctionnel, c'est métaphorique".
Cependant, dans son workshop (atelier), Lodging London/Tokyo, réalisé en novembre 2000 à Londres avec les étudiants de l'Ecole d'Architecture (AA School) et en janvier 2001 à Tokyo avec ceux de l'Université (University of Music and Fine Art), les étudiants sont amenés à concevoir des abris temporaires dans l'espace urbain public, grâce à des matériaux trouvés à proximité, et à y dormir une nuit.



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Tree Huts in New-York, 2008.
La cabane n'a pas qu'un rôle critique et politique : elle a également un rôle poétique.


Ses passerelles, ses pontons et ses belvédères permettent au spectateur des expériences sensorielles : marcher, toucher, regarder mais également se souvenir : "la mémoire est souvent plus forte que a simple vision des choses qu'on a sous les yeux. J'ai énormément de retour de la part des gens qui en gardent un souvenir longtemps après. C'est ça la puissance de la mémoire, la puissance de l'oeuvre d'art". 
Le parcours (par la marche et plus rarement en bus ou en bateau) d'un point à un autre entraîne en effet le jeu de la mémoire et le lien entre le passé et le présent de la ville. Le trajet entre les bâtiments ou les sites de natures différentes est de plus ponctué de pauses (abribus précaires, chaises, points de vue) et est axé par un but (autre installation, observatoire).
"J'aime l'entre-deux et le mouvement d'un pôle à l'autre. Notamment la mobilité géographique, entre le temps et l'espace, dans différentes structures sociales".
Les circulations et le temps du déplacement constituent les fondements de son travail qui contribue à modifier la perception et l'expérience des sites ; le but est d'établir des connexions entre les gens et l'endroit où ils vivent, de leur permettre une nouvelle façon d'évoluer dans l'espace mais aussi de voir les choses autrement : les projets de Saché en 1994 (Transfert), de la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en 1997 (Le Passage des chaises), de Metz en 1998, d'Évreux en 2000 (Sur la voie), de Tokyo en 2008 (Walkway), de Nantes en 2009 (Observatoire), parmi d’autres, manifestent le refus de l’artiste d’envisager séparément l’espace et la personne qui le parcourt.  Le trajet et ses expériences constituent l'oeuvre elle-même.


KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Les Chaises de Traverse, Metz-Delme, juin-octobre 1998.
 Installation in situ, Hôtel Saint-Livier de Metz (XII° s., FRAC Lorraine) et Synagogue de Delme (XIX° s., détruite et reconstruite, Centre d'Art Contemporain), deux bâtiments distants de 35 kms. 
A l'Hôtel de Saint-Livier, l'installation consiste en une muraille de chaises doublant les murs et chevauchant l'enceinte. A la Synagogue, des chaises renversées sont suspendues entre sol et plafond (entre hommes et femmes, dans un effet miroir).
"Peu à peu a mûri l'idée d'une double installation, à Metz et à Delme, reliée par la chaîne des abribus (précaires). Les chaises en seraient l'élément de base. La chaise est à la fois un microcosme et un macrocosme. Un microcosme parce que chacune a son histoire individuelle et porte les cicatrices de sa vie ... Quatre mille chaises assemblées, c'est déjà un macrocosme. Liées étroitement entre elles par des bracelets de plastique, elles acquièrent la stabilité d'une architecture durable et d'un organisme vivant fait de cellules".


KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Sur la voie, Evreux, 2000.
Une passerelle de 400 m, réalisée en bois et métal surélevée H: 5 m), faites de niveaux et de ponts successifs, enjambe le temps, offrant un nouveau parcours et point de vue sur la place et la ville aux monuments principaux, d'époques différentes, marqués par les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale.
"Ainsi, d'un bâtiment à l'autre, connectés par une ligne, les visitant un par un, les gens effectuent un pèlerinage. Chemin faisant, ils retracent mentalement le passé et le présent de la ville".



VOIR UNE PRÉSENTATION DU FILM D’ÉRIC BEAUFILS ET GILLES COUDERT SUR KAWAMATA : EXTRAIT (3 MN) PRÉSENTANT DEUX PROJETS FRANÇAIS :
 SUR LA VOIE, EVREUX, 2000 ET PASSERELLE, PARIS, 2009
l



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Le Passage des chaises II, Reims, 2007.



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Gandamaison, Versailles, 2008.


Dans chaque projet, Tadashi Kawamata  absorbe des influences grâce à un travail en équipe (aide physique) et en interaction (idées) avec ses assistants qui peuvent être des étudiants d’Ecoles d’Art (Beaux-Arts, Architecture et Paysage), des charpentiers, des ingénieurs, des lycéens, des associatifs, des publics en difficulté (prisonniers, toxicomanes), des passants ou même des enfants. Sa démarche individuelle et solitaire devient ainsi sociable et en partie collective (art participatif, collaboratif).
"Je travaille avec de nombreuses personnes à cause de l'échelle importante des projets et je m'intéresse toujours à la manière d'agir de ces gens qui m'aident. Leurs idées permettent parfois de définir la structure même du projet (...) Durant le temps de travail, nous produisons, travaillons, mangeons ensemble. Nous échangeons beaucoup".
L'artiste adopte deux types de démarches, selon qu'il s'agit d'un workshop (atelier) ou d'un projet personnel : "Dans un workshop, c'est le processus qui prime (...). C'est un projet artistique qui propose une démarche différente de création (...) Pour mes propres projets, je me comporte plus en chef d'orchestre alors que pendant un workshop, je suis un simple membre du groupe parmi les étudiants. Nous décidons tous ensemble (...) Pour un projet personnel, j'arrive avec mon propre concept, une idée de construction qu'il s'agit de faire partager".


VOIR LA VIDÉO (6 MN) DE L'INTERVIEW THIERS DE TADASHI KAWAMATA  À PROPOS DU PROJET "DÉTOURS DES TOURS", THIERS/MONTÉLIMAR, EN 2005


VOIR LE DOSSIER PÉDAGOGIQUE (PDF) DU CENTRE D'ART DU CREUX DE L'ENFER À THIERS


VOIR LA VIDÉO (3 MN) : RETOUR SUR LE WORKSHOP (ATELIER) DE TADASHI KAWAMATA AVEC DES ETUDIANTS - PROJET DE SALIN-DE-GIRAUD (CAMARGUE) 23 MAI - 1 JUIN 2011 




 Cela devient une caractéristique de sa démarche que ce travail en train de se faire (évènement, procédure, déroulement), de s’adapter, de se modifier. Une intervention ne commence pas le jour de l’inauguration pour se terminer par le cocktail de clôture : les phases de projet (réflexion au travers de maquettes et de croquis), de construction comme celles du démontage et du recyclage des matériaux sont aussi importantes. "La construction et la destruction sont comme un cercle, comme un temps circulaire. Si vous utilisez quelque chose, vous détruisez autre chose. Et quand je commence un chantier, j'ai déjà intégré le principe de la destruction. Je prends et je restitue (...) Mon travail suit un cycle à l'image des végétaux. C'est un processus biologique, organique, de l'ordre du métabolisme. Il est plus biologique qu'écologique car le temporaire est le reflet de la vie".

Tous les projets sont d’ailleurs filmés par Gilles Coudert (depuis 20 ans) pour garder trace et mémoire de l’avancement  du  projet (work in progress) mais aussi des réalisations par nature éphémères, comme des équipes constituées, éphémères elles aussi. Gilles Coudert, enseignant en Ecole d'Art, explique que le film "mémorise l'oeuvre et son processus et transmet, de par sa syntaxe chaque fois spécifique, la dynamique d'un projet artistique et de son mode opératoire". 
Les maquettes (le plus souvent en balsa ou contreplaqué mais aussi métal, peinture acrylique…), les dessins et les photographies témoignent également des réalisations disparues  et des projets non réalisés (environ la moitié, du fait d'une résistance à ses interventions). Dans certains de ses projets, Kawamata intègre, à l'intérieur des bâtiments, des "Cabinets de mémoire" qui montrent les maquettes, films, plans et dessins du projet concerné mais également de projets anciens.



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Projet (non réalisé) de Passerelle, Cité de l'Immigration (maquette), Paris, 2009,
rampe d'accès handicapés, couverte.

KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Tree Huts in New-York (dessins sur photos), 2008.



« Pour moi, il n’y a pas d’art solitaire ou narcissique. Je travaille avec les gens et pour les gens. Mon travail étant devenu quasiment planétaire, je voyage d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre. Je suis moi-même devenu un errant, un marginal, un drifter, un outsider par rapport à la société établie (…). Pour moi la fin de l’art n’est pas de fabriquer des objets à exposer, mais d’établir une relation entre les hommes et les femmes au cours d’un travail qui se construit en commun, jour après jour ». Tadashi Kawamata


VOIR LE SITE DE L’ARTISTE :

VOIR D'AUTRES EXTRAITS DE FILMS SUR L'ARTISTE :




KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Tree Huts (Carton Workshop), Centre Pompidou, Paris, 2010.

KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Under The Water, Paris, Galerie Kamel Mennour, 2011,
(en référence au tsunami de 2004).


KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Collective Folie, Paris, Parc de la Villette, 2013 (avril-août).
Une tour éphémère est construite par les habitants de cet arrondissement de Paris en pleine restructuration. La construction, jamais achevée, évolue continuellement avant de disparaître. La tour devient un terrain de jeu et un belvédère pour les visiteurs.

VOIR LA VIDÉO (4 MN) DE L'INTERVIEW DE KAWAMATA SUR LE SITE DE COLLECTIVE FOLIE, 2013



KAWAMATA Tadashi (né en 1953), Horizons, Parc du Pont de Rousty (Camargue), 2013.
Structure pérenne dans le cadre du Projet "Les Sentiers de l'eau".

VOIR LA VIDÉO (18 MN) DE JÉRÔME SADLER (PROFESSEUR D'ARTS PLASTIQUES DU 06)
 SUR UNE INTERVENTION DE TADASHI KAWAMATA EN CAMARGUE
HORIZONS, LES SENTIERS DE L'EAU, 2013



A propos de KAWAMATA…


Les espaces d’intervention de Kawamata se sont révélés variés :

-un bâtiment (public ou privé) : dans, autour, sur.
-plusieurs bâtiments et l’espace urbain : rues, places.
-les espaces naturels de la ville : terrains vagues, bord de mer ou de rivière, arbres des parcs et jardins,
-le paysage naturel (campagne).


La place du spectateur dans les œuvres de Kawamata est :

-à l’extérieur de l’œuvre (cabanes dans les arbres ou sur des bâtiments, échafaudages, palissades ; constructions précaires) ; l’œuvre attire le regard et révèle le lieu.
-à l’intérieur de l’œuvre (pièces, dômes, couloirs, habitations flottantes) ; l’œuvre dialogue avec le lieu.
-sur l’œuvre (passerelles, tours ; constructions solides) ; l’œuvre s’efface au profit du lieu et est le vecteur de l'expérience vécue.


Nous avons pu noter, en étudiant l’œuvre de Kawamata, les notions suivantes :

-le refus de l'oeuvre aboutie enfermée dans le musée pour une expérience en milieu urbain, en lien avec la réalité, mêlant tout à la fois le travail d'atelier (privé) et d'exposition (publique),
-la découverte sensible et intellectuelle de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage,
-le travail in situ (espace public et privé) déduit du lieu (liens passé/présent, intérieur/extérieur, ordre/désordre, pérenne/éphémère-fragile-équilibre-mobile, culture/nature, construction/déconstruction, pauvreté/prestige…),
-le projet (croquis, maquettes, réflexion en équipe, montage, démontage),
-la répétition d’un module, d’un objet (planche, chaise…) et son détournement,
-l’utilisation de matériaux pauvres (bois, carton…) et de recyclage (écologique),
-la construction, la structure, l’équilibre, la suspension, la greffe,
-l’intérêt pour les habitats précaires (cabanes, favelas, habitations flottantes…),
-la réalisation collective (réalisation évolutive, équipe éphémère),
-la participation du spectateur (parcours, temps, expérience sensorielle, mémoire, rencontres),
-les installations éphémères (traces photos et vidéos, mémoire humaine),
-l’intérêt aux contextes sociaux, aux relations humaines.


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