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lundi 22 février 2016

452-LE CIMETIÈRE DU CHÂTEAU DE LA VILLE DE NICE-PROJET PÉDAGOGIQUE-22






- AURILI Riccardo (1864-1943), Tombe Georgette F., vers 1918-1925,
Espérance (femme vêtue, assise, en prière, tête tournée vers le ciel), Ange (femme à la lampe, devant le tombeau vide) 
et Douleur (femme nue, assise et prostrée), Nice, Cimetière du Château (Plateau Gambetta).



RICCARDO AURILI - LA TOMBE GEORGETTE F. (1918-25) - SUITE

Hier dimanche, je me suis rendu pour la première fois au Cimetière niçois de Cimiez, afin de rechercher de nouvelles œuvres de Riccardo Aurili. Je n'en ai pour l'instant pas trouvé. 

Par contre j'ai trouvé de nombreuses sculptures qui éclairent ma recherche actuelle sur l'art des XIX° siècle et XX° siècles, d'une part sur la fusion des modèles mythologiques et chrétiens (Victoires, Génies funéraires et Anges féminins), et d'autre part sur l'identification des figures féminines de la Douleur à Marie-Madeleine.

Il est intéressant de montrer ici quelques figures féminines de deuil du Cimetière de Cimiez, ailées ou non, proches des génies funéraires dérivés de l’Éros antique à la torche, au point de se demander si les artistes n'ont pas fait parfois partager à Psyché, les mêmes tâches que son époux.


- Anonyme, Tombe de la Famille Jean-Alain T., détail, première moitié du XIX° siècle,
Nice, Cimetière de Cimiez.

- Anonyme, Tombe Antoine B., vers 1859,
(date du décés), Nice, Cimetière de Cimiez.


- PUNTELLINI V. (?-?), Tombe G., marbre, vers 1942 (?),
(date du décès :1934, numérotation de la concession : 1942), Nice, Cimetière de Cimiez.

- MAUBERT Louis (1875-1949), Tombe François C., détail, vers 1934,

(date du décès), haut-relief en marbre, Nice, Cimetière de Cimiez.



C'est surtout la question de Marie-Madeleine que je vais traiter ici, en enfonçant peut-être des portes ouvertes. J'ai essayé de montrer dans l'article précédent comment la femme repliée sur elle-même, sculptée par Riccardo Aurili pour la Tombe Georgette F., pouvait s'être inspirée des figures de Psyché abandonnée ou d’Ève après le péché mais qu'elle était probablement, du fait du contexte funéraire, une figure dénudée de Marie-Madeleine, devant le Tombeau vide.

Au cimetière de Cimiez, la Tombe de la comtesse Wanda T., offre une figure féminine, accostée d'une couronne de fleurs, au pied d'une grande croix latine. 


- ZAMBELLA (?-?, sculpteur florentin), Tombe de la comtesse Wanda T., ensemble et détail, marbre, 1866,
(la comtesse étant décédée en novembre 1860), Nice, Cimetière du monastère de Cimiez.



Cette femme drapée mais à la poitrine dénudée (symbole de déchirement), est agenouillée, les mains jointes, effondrée de chagrin, tournant son visage aux yeux mi-clos plein de larmes vers la croix et le ciel. Elle s'affirme ainsi, tout à la fois, comme une figure de la Douleur et de l'Espérance et est, de toute évidence ici, une représentation de Marie-Madeleine au pied de la Croix (Matthieu, 27, 55 ; Marc, 15, 40 ; Jean, 19,25).


- ZAMBELLA (?-?, sculpteur florentin), Tombe de la comtesse Wanda T., détail de la figure, marbre, 1866,
 Nice, Cimetière du monastère de Cimiez.



Le sculpteur a voulu cependant affirmer l'idée de résurrection (et de fait, l'identité de la figure) par une seconde scène qui présente la suite du récit (Matthieu, 28, 1 ; Marc, 16, 1-7 ; Jean, 20, 1-13), sculptée cette fois en bas-relief sur le devant du piédestal. Marie-Madeleine accompagnée de Marie, mère de Jacques (Mathieu, 28,1), se présente au Tombeau (sans vase de parfum) et découvre l'Ange assis dans le Tombeau vide qui lui annonce que le Christ est ressuscité.


- Anonyme, Tombe de la comtesse Wanda T., bas-relief de la face nord du piédestal, marbre, après 1860,
Nice, Cimetière du monastère de Cimiez.



A proximité, cinquante ans plus tard, la Tombe Louis B., présente à nouveau une femme en prière devant une croix latine, mais cette fois debout avec la tête baissée. Cette figure s'affirme à nouveau comme Marie-Madeleine, la pécheresse repentie qui souffre de la mort du Christ mais sera bientôt le témoin privilégié de sa Résurrection (Marc, 16, 9 ; Jean, 20, 14-18).


- Anonyme, Tombe L. B., ensemble et détail, marbre, vers 1911,
(du fait de la numérotation de la concession), Nice, Cimetière du monastère de Cimiez.
Il est à noter que cette sculpture est très semblable à celle de la Tombe de la Famille B., du Cimetière du Château (Carré protestant), datée vers 1909 et signée T. Faverio.



Dans ces deux œuvres, les messages adressés à tous les chrétiens sont très clairs : comme Marie-Madeleine a trouvé grâce auprès du Christ, le pécheur repenti trouvera grâce auprès de Lui ; comme pour Marie-Madeleine, la douleur du deuil de la famille cédera la place en la foi en Dieu, la prière et l'Espérance du Salut ; comme le Christ est ressuscité et est apparu à Marie-Madeleine, le défunt enterré ici ressuscitera à son tour.

De là à penser que toutes les figures féminines (Douleur, Mémoire, Espérance) sculptées sur les tombes de l'époque concernée, offrent une représentation de Marie-Madeleine pleurant le Christ, en croix ou au tombeau, il n'y a qu'un pas. Il est cependant très difficile d'affirmer que c'est toujours le cas, du fait que certaines d'entre elles sont parfois des portraits de la défunte ou plus souvent d'une parente (mère, sœur, épouse, fille), à moins que ces dernières n'endossent à ce moment-là, le rôle et les postures de Marie-Madeleine.

Voici d'ailleurs quelques autres sculptures de Pleureuses ou d'Orantes du Cimetière de Cimiez.


- RIVALTA Augusto (c.1835/1838-1925), Tombe d'Ercole T., détails, marbre, vers 1872,
(date de décès), portrait de la sœur de l'artiste au-dessus d'un prie-Dieu timbré du portrait du défunt, artiste-peintre.


- KRIEGER Joseph (1854- ?), Tombe de Marie Charles G., détails, marbre, vers 1894,
(date du décès), Nice, Cimetière du monastère de Cimiez.
La tombe porte les signatures de B. Maraini Architecte (Bernardin Maraini 1841-1931) et de Ronchese-Argenti Entrepreneurs (Jean-Baptiste Ronchese et Argenti) et les annuaires niçois nous révèlent qu'ils n'ont été associés que vers les années 1894-1900. Les dates des défunts qui apparaissent sur le sarcophage étant  mai 1873, octobre 1893, février 1902 et 1910, il semble probable que ce soit le décès de fin 1893 qui ait entraîné la réalisation du tombeau vers 1894.
Il est à noter que Jean-Baptiste Ronchese tailleur de pierres, verra à nouveau son nom associé à celui de Joseph Krieger sculpteur, sur la Tombe de Pierre F., décédé le 3 décembre 1903, dans une réalisation probablement de 1904 du Cimetière de Rabiac d'Antibes.


 - Anonyme, Tombe de Paul M., détails, vers 1915,
(date du décès du soldat), marbre, Nice, Cimetière de Cimiez.